Infâme vorace qui dévaste nos cours d'eau, voilà la façon dont était considéré le brochet, il y a plus d'une soixantaine d'années. La lote, le hotu, l'anguille ont aussi été tenu responsables de l'appauvrissement de nos cours d'eau. Il faut bien trouver un coupable...
Mais ce genre de raisonnement, ainsi que le temps et l'énergie consacré à débattre de ces sujets, ne nous éloignent t'-ils pas des véritables problèmes (pollution, destruction d'habitat...)?
Le Brochet un requin d'eau douce...
En 1948, M. Vouga, inspecteur piscicole des Pêches à Neuchatel et JG Prudhomme conseiller technique à la Fédération de Pêche du Maroc (pays sous protectorat français jusqu'en 1956) rédigeaient un ouvrage intitulé : "Repeuplons nos eaux en brochets" dans lequel étaient exposés :
- le rôle du brochet dans l'économie piscicole des lacs et des rivières (M. Vouga)
- et le transport des oeufs de brochet, incubation et déversement à l'échelon des sociétés de pêche (JG Prudhomme
Cet ouvrage est un plaidoyer en faveur du brochet car à l'époque ce pauvre poisson avait une très mauvaise image ; il était responsable de tous les maux de nos lacs, étangs et rivières.
On peut ainsi lire dès la présentation, écrite par Tony Burnand :
" Le titre de cette plaquette fera sans doute- c'est triste à dire- sursauter plus d'un pêcheur et plus d'un dirigeant de groupement halieutique : eh quoi? repeupler en brochet alors que tout les efforts tendent à débarrasser de nos eaux cet infâme vorace, intéressant à manger oui, mais qui dévaste nos rivières déjà appauvries par le braconnage, la pollution et le non repeuplement?
... : malgré tout ce que l'on a pu écrire et diffuser depuis bien des années dans les revues de pêche, et même dans les ouvrages les plus répandus, deux pêcheurs sur trois continuent à penser détenir pour une intangible vérité la fable du brochet au ventre insatiable, requin de nos eaux douces ; et l'on voit encore bien souvent des sociétés de pêche organiser des concours de destruction, allouer de certaines primes substantielles à ceux qui de leurs membres peuvent s'enorgueillir des prises les plus nombreuses, fussent-elles constituées par de simples "couteaux" n'ayant pas encore frayé"
Par la suite M. Vouga entame son exposé de la sorte :
"Pendant des années, dans le monde halieutique, on a considéré le brochet comme le requin des eaux douces. C'était un monstre qui mangeait, disait-on, chaque jours un poids de poisson égal à son propre poids, qui faisait dans toutes les eaux qu'il habitait des ravages considérables. On devait chercher à l'éliminer par tous les moyens possibles ; même des primes devaient être accordées aux pêcheurs chanceux qui réussissaient à enlever des eaux ces poissons indésirables..."
C'est étrange comme on entend encore parfois au bord de l'eau ce genre de discours. Au fond rien n'a bien changé... La gestion piscicole se résume encore trop à de l'empoissonnement et à la volonté de détruire une liste d'indésirables.
Certes le brochet n'est plus dans l'axe du mal, car fort heureusement pour lui d'autres espèces ont pris sa place dans le collimateur des pêcheurs. Des espèces soient introduites par nos soins, ou bien encore en voie d'expansion en raison de l'altération des cours d'eau.
Dans les deux cas, nous sommes bien les principaux responsables, ce pourquoi il n'est plus la peine de s'acharner sur de pauvres poissons .
D'autant plus qu'il y a fort à parier qu'ils seront adorés d'ici quelques années (quid du sandre).
Rem