C'est bien connu, il y avait plus de poissons « avant », les cours d'eau étaient moins pollués et tout allait mieux. Voilà ce que l'on entend fréquemment au bord de l'eau. Il est vrai que les pêcheurs que nous sommes, sont des êtres râleurs et tourmentés par leurs bons souvenirs halieutiques.

 

Mais reste à savoir ce que l'on entend « par avant » et quel a été dans le détail l’évolution des populations des poissons au cours de ces dernières décennies ?

 

Ce qui est d'ores et déjà certain c'est que les choses changent, que la nature bouge et que rien n'est définitivement figé.

 

Ce qui est aussi exact c'est que les changements ne datent pas d’aujourd’hui et sont en partie liés à l'activité humaine.

 

Il fut un temps passé ou il était conseillé de curer les cours d'eau, de recalibrer les rivières, bref de faire du propre. Mais cette vision des choses a conduit à détruire en grande partie les habitats piscicoles. Fort heureusement, ces pratiques sont aujourd'hui très réglementées voire même impossible à mettre en œuvre. Pour autant certains pensent encore, y compris des pêcheurs, qu'il seraient bien de supprimer les bois morts dans les cours d'eau ; habitat principal des poissons et refuge des invertébrés aquatiques.

Recalibrage et curage d'un ruisseau

 

 

Il fut aussi un temps où l'utilisation des produits phytosanitaires, des pesticides et autres, ne semblait pas être un problème mais plus une solution d'avenir. Aujourd'hui même si certains de ces produits sont encore trop utilisés, nous avons de plus en plus pleinement conscience des dégâts environnementaux qu'ils causent et des problèmes de santé public qu'ils peuvent engendrer. Même s'il est encore de bon ton de vouloir minimiser les choses...

 

Il fut aussi un temps où la gestion piscicole ne se résumait qu'à l'introduction de poissons et la destruction d'autres (lote, anguille, chevesne, hotu).

A cette époque aussi, dans certains ruisseaux, nous préférions enlever les truites de souches sauvages pour les remplacer par des truitelles de pisciculture (pratique des ruisseaux pépinières).

 

Des pêches électriques étaient alors entreprises pour déplacer les poissons sauvages vers des portions de cours d'eau ouvertes à la pêche et ainsi déverser des alevins dans des milieux « vierges ». Le terme technique employé pour définir cette pratique était particulier puisqu'on parlait à l'époque de purge de ruisseau...

 

Ce fut aussi le temps des nouvelles introductions d'espèces. En s'installant dans nos cours d'eau ces poissons « exotiques » ont nécessairement modifié les équilibres écologiques.

 

Petit ruisseau aux apparences polluées à la sortie d'un étang

 

 

 

Les problèmes et les perturbations que nos cours d'eau subissent ne datent pas d'aujourd'hui. Et il ne faut jamais oublier que les révolutions industrielles et agricoles d'après guerre ont eu un impact majeur sur nos rivières.

 

Avant il y avait plus de poisson? Mais alors il y avait plus ou moins de poisson auparavant ?

 

C'est la question à laquelle, trois chargés de mission (Nicolas Poulet, Laurent Beaulaton et Samuel Dembski) de l'ONEMA ont tenté de répondre lors d'un colloque sur le thème « évaluer et restaurer la biodiversité aquatique » au travers d' une étude sur les populations piscicoles au cours des vingt dernières années (1990 à 2009) à l'échelle de la France Métropolitaine.

 

Les résultats de cette étude montrent un bilan mitigé. Si le nombre d'espèces de poissons est en hausse et que globalement la situation des poissons (pollution, destruction de rivière) semble s'améliorer, certaines populations de poissons autochtones (de nos cours d'eau) régressent.

 

des poissons menacés par les pollutionsTruite, anguille mais aussi brème et tanche sont en régression. Toutes ces espèces natives connaissent actuellement un déclin de leur population.

Pour le brochet,la situation est complexe puisqu'il est encore impossible de faire la part entre la production naturelle et le repeuplement qui pourrait masquer d’éventuelles tendances à la baisse

 

Par contre d'autres espèces comme le spirlin, le barbeau (espèces plutôt sensibles) et le chevesne (espèce tolérante) se portent plutôt bien. A ces espèces il convient de rajouter le sandre et la perche qui connaissent une légère augmentation de leurs effectifs.

Enfin les espèces « exotiques » comme le silure, le pseudorasbora, l'aspe et l'épirine lippue ont aussi une tendance à l'augmentation de leurs populations.

 

 

Dans l'ensemble les résultats de cette analyse laissent apparaître que les espèces dont la densité augmente sont souvent des espèces « non natives » et des espèces de petites tailles.

 

Enfin, selon les propos des rapporteurs de ces travaux de recherche (à lire dans le pêcheur de France de février 2013):

« Cette étude donne une idée globale de l'évolution des poissons sur l'ensemble du territoire. Bien qu'elle montre une tendance à la hausse, il est important de rappeler que les effectifs de nombreuses espèces restent largement inférieurs à la situation précédant les révolutions industrielle et agricole qui ont eu un impact majeur sur la faune aquatique »

 

Il n'est donc pas tout à fait faut de dire que « c'était mieux avant ».

 

Mais « avant » renvoie aux années 1950 - 1960 :

  • époque où la pollution était moindre,
  • époque aussi où les pêcheurs de carnassiers n'avaient que la perche et le brochet pour se distraire en deuxième catégorie,
  • époque enfin où le nombre d'espèces piscicoles recensées dans nos cours d'eau étaient aussi beaucoup plus restreint (voir article : inventaire des espèces de nos cours d'eau)

 

 

Crapet de roche espèce introduite dans les années 1900 en Saône-et-Loire. Actuellement présent en Loire et dans l'Arroux (dept 71)

 



 Rem

 


 

 

 

 

Commentaires  
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On peut voir les choses comme cela. Comme on dit l'important est de positiver :-) . C'est un sujet délicat, je ne sais pas trop ce qu'il faut en penser car globalement ce sont les espèces sensibles qui se raréfient depuis plus d'une cinquantaine d'années. Je ne sais pas si c'est une victoire car c'est aussi le manque de considération et de connaissance de notre société pour nos milieux aquatiques.
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Très intéressant tout ça. Finalement, on pourrait presque positiver sur la diversité des espèces de nos cours d'eau, à défaut d'avoir les densités qu'on souhaiterait...

Quelque chose à nous dire!